Rwanda : Quand les charbons de bois et les bois de chauffages dévorent les forêts
Dans les districts de Musanze et Gasabo, en province du Nord, les rwandais détruisent les aires protégées, dont Nkotsi et Bikara en abattant des arbres pour brûler le charbon de bois dans les forêts et trouver du bois de chauffage.
Augustin Bizimana, l’un des habitants du district de Musanze, en province du Nord du Rwanda, affirme qu’en raison du manque de bois de chauffage, ils volent du bois dans la forêt publique de Nkotsi et Bikara, aires protégées connues sous le nom de « Gihondohondo », nom donné en référence à l’espèce d’arbres qui y prédomine, Dracaena steudneri.
Pour faire face à cette pénurie de l’énergie de la cuisson, nous jouons le malin, précise Augustin : « l’un de nous va tromper les gardes forestiers pendant la nuit en causant avec eux pendant que d’autres volent du bois dans l’aire protégée de Nkotsi. »
En guise de rémunération, nous lui donnons un fagot de bois, a-t-il ajouté. Le fait qu’il y ait une croissance démographique autour de ces zones protégées est l’une des causes majeures de la disparition lente de ces forêts, remarque notre informateur. « Pour nous, l’énergie pour la cuisson est un problème, reconnaît Augustin ».
Emelyne Kamariza popose que le gouvernement devrait faire des efforts en trouvant de l’énergie pour la cuisson alternative, sinon la carence du bois de chauffage continuera d’alimenter les conflits entre la population entre elle et la population et le gouvernement. Elle le déroule en ces termes : « Savez-vous que si un propriétaire vous attrape dans sa forêt, il peut vous faire emprisonner, ce qui provoquera des conflits familiaux ».
L’officier du RDB (Rwanda Development Board) qui est chargé de protéger la forêt de Gihondohondo, Muhinzi Alphonse dit qu’ils font souvent face à ceux qui viennent voler du bois : « La forêt est menacée par ceux qui coupent les arbres à la recherche du bois pour la cuisson et les médicaments traditionnels. »
Parmi ceux qui sont attrapés, il y a ceux qui se voient infligés une amende, d’autres traduits en justice dépendamment de la lourdeur de l’infraction commise, fait savoir Muhinzi.
Il indique par exemple qu’il y a ceux qui coupent les arbres à Nkotsi et en font du charbon pour des fins commerciales. »
L’Institut National des Statistiques du Rwanda démontre que la population qui utilise du bois de chauffage pour la cuisson est passée de 86,3% entre 2010 et 2011 à 79,9% entre 2016 et 2017, ce qui montre que la population qui utilise le bois de chauffage est en constante diminution.
Au moment où l’utilisation du bois de chauffage pour la cuisson est en baisse au Rwanda, l’utilisation du charbon de bois a cru pour la même période. Elle est passée de 10,6% entre 2010 et 2011 à 17.4 entre 2016 et 2017.
Pour le moment, le sac de charbon a atteint vingt mille francs Rwandais, soit 20 dollars. Vous comprenez que la fabrication du bois en charbon est une affaire lucrative. » martelé Muhinzi.
Le fait que Gihondohondo est menacée par les gens qui s’y introduisent à la recherche de bois de chauffage est confirmé par le secrétaire exécutif du secteur de Nkotsi Canision Kabera qui dit que les gens attrapés dans cette forêt sont remis aux agences de sécurité.
Il l’explique en ces mots : « Il est vrai qu’ici quand les gens manquent de bois de chauffage, ils vont dans les forêts publiques, notamment Gihondohondo. D’ailleurs, en une semaine, nous n’attrapons pas moins de trois personnes. ». Pour lui, certaines personnes coupent des arbres pour en faire du charbon chez eux.
La déforestation due à la carence du combustible s’observe également dans la forêt Jali, située dans le district de Gasabo. La communauté riveraine coupe les arbres pour brûler du charbon de bois. L’administration en est pour autant au courant.
Le secrétaire aux projets de ce secteur Monsieur Bucyana Alexis déplore ce comportement et fait savoir qu’ils ont déjà arrêté plus de 20 personnes dans cette forêt. Bucyana Alexis n’a pas manqué de rappeler que la forêt de Jali est bénéfique pour le monde en général et le Rwanda en particulier.
L’abattage des forêts est régi par des lois indépendantes, rappelle Bucyana. Pour couper un arbre, on devrait d’abord demander la permission aux autorités locales et aux gestionnaires forestiers afin qu’ils vérifient que la forêt est mûre à tel point qu’elle pourrait être récoltée et par conséquent planter d’autres plants d’arbres en guise de remplacement, indique Alexis. Toutefois, ceux qui le font sont comptés au bout de doigt.
Dans la forêt de Jali, beaucoup d’arbres ont été coupés. D’ailleurs, le déboisement continue. Toutefois, c’est difficile de connaître la superficie de la zone déboisée, regrette-t-il.
A part la communauté riveraine de la forêt de Jali, il y a aussi des gens du district de Rulindo, province du Nord qui viennent y chercher du bois de chauffage, poursuit Bucyana.
La déforestation cause de l’insécurité alimentaire
L’Ingénieur Musoni Protais qui est chargé de l’environnement au district de Musanze révèle que la destruction des forêts risque de provoquer l’irrégularité des pluies. Par conséquent, l’insécurité alimentaire : « Vous le savez les rwandais dépendent des précipitations pour produire. Au cas où ils se raréfieraient, la production en pâtirait, ce qui va faire une pression sur la sécurité alimentaire. » Par contre, si les forêts sont bien entretenues, dit Musoni Protais, les précipitations seront régulières, la production agricole sera bonne et certaines maladies respiratoires et liés à la malnutrition diminueront. Nsengimana Egide, l’un des habitants du secteur Jali dit ceci : « la destruction de la forêt de Jali nous expose aux inondations incessantes. Pendant la saison des pluies, toute l’eau de cette montagne rentre dans nos maisons. » C’est vraiment regrettable.
Le chef de la Coalition des organisations non gouvernementales qui prennent soin de l’environnement Rwanda Climate Change Development (RCCD en sigle), Vuningoma Faustin fait un clin d’oeil à ceux qui endommagent l’environnement que ce dernier est le cœur de la vie quotidienne.
Pour lui, il est difficile d’empêcher les gens de chercher du bois de chauffage juste pour protéger la biodiversité. Mais, il leur demande de planter plus d’arbres en guise de maintenir le couvert forestier.
Il faut noter que Global Forest Watch indique que la perte de la couverture forestière au Rwanda a évolué en dent de scie. Elle est passée de 24 hectares en 2010 à 9 hectares en 2015 avant de remonter à 113 hectares en 2020.
Vuningoma Faustin demande au gouvernement de revoir à la baisse les prix d’énergies alternatives au charbon de bois et au bois de chauffage. A titre d’exemple, le gaz, l’électricité, le biogaz, etc. qui peuvent être utilisés pour la cuisine.
Selon le directeur général de l’Agence Rwandaise des Forêts (RFA), Spridio Nshimiyimana, le gouvernement est conscient de la carence du bois pour la cuisson. Cependant, il assure que le gouvernement est en train de tout faire pour trouver une issue pour remédier à ce défi.
En attendant, il appelle les Rwandais à se sacrifier pour rhabiller les forêts et les collines. Par ailleurs, le gouvernement Rwandais a initié le projet « Canarumwe » qui permet au citoyen d’économiser les bois de chauffages, dixit Spridio Nshimiyimana.
Spridio a fait savoir que le gouvernement rwandais prévoit réduire l’utilisation du bois de chauffage et du charbon de bois pour la cuisson d’ici 2024 à 42% et de 20% en 2030.
A l’heure actuelle, le Rwanda peut se targuer d’avoir promu l’utilisation du gaz. Tandis que dans le rapport fait entre 2010 et 2011, l’utilisation du gaz et du biogaz pour la cuisson n’existe même pas, dans le rapport publié entre 2016 et 2017, l’utilisation du gaz pour la cuisson s’élèvait à 1,1%.
Le Rwanda projette atteindre une superficie de 30% des aires protégées de la superficie du territoire en 2030. Parviendra-t-il à son objectif ? Attendons et voir.
Ce reportage a été réalisé avec le soutien du Rainforest Journalism Fund en partenariat avec Pulitzer Center.