Mururu: Le « blinde » ou sinistre refuge pour les femmes à violer pendant le génocide

Un harem de femmes à violer dans un village du  secteur Mururu, district de Rusizi à l’extrême sud-ouest du Rwanda ! Chaque soir, pendant le génocide, des femmes tutsies sont isolées et rassemblées dans « un blindé », métaphore pour dire une maison sécurisée ou elles sont violées par des miliciens conduit par Théodore Rukeratabaro.

Un calvaire d’autant plus horrible que les violeurs reviennent souvent d’expéditions qui ont exterminé leurs familles et qui en exhibent les trophées.

Non ! Ce n’est pas cette case de fortune comme celles dressées à la hâte pour secourir des déplacés ou réfugiés. Ce n’est ni ce véhicule militaire recouvert d’un blindage d’acier à l’épreuve de balles pour en protéger les occupants. Mais, en 1994, l’onomastique du génocide est si riche que,  par une métaphore cynique, « blindé » signifiait dans ce cas d’espèce du génocide à Mururu, un « isoloir pour femmes tutsies destinées au viol avant d’être tuées ».

Et là, tel dans un entrepôt de marchandises, après les expéditions génocidaires, les miliciens venaient chaque soir, en guise de repos du guerrier, violer à tour de rôle les femmes captives qu’ils y gardaient. « Ils entraient furtivement, bouche bée, violaient leurs victimes, sans mot dire comme s’ils craignaient d’être identifiés », se rappelle l’une de leurs victimes, aujourd’hui infectée du VIH/Sida suite à ces sévices.

Viol et sauf-conduit pour femmes hutues

La maison appartenait à l’un des miliciens dans le secteur Gahinga du secteur Winteko. Peu de temps après le début du génocide, les massacres et la débandade des tutsis en quête de refuge, plusieurs dizaines de femmes tutsis et celles qui en ont la physionomie s’y retrouvent « épargnées » des tueries.

Un certain jour d’avril, se souvient-elle, Rukeratabaro et ses miliciens procèdent au tri de femmes hutues ou identifiées comme tel, leur donnent un sauf-conduit avant de les renvoyer chez elles. Cela a duré des semaines, on aurait dit des mois ou « une éternité, tellement on était dans un piège sans fin », murmure une veuve esseulée étouffant à peine un sanglot, son indexe essuyant de petites perles sur ses joues amaigries.

Cette fois-ci, le viol sera systématique, quotidien, à des heures parfois précises ou selon la disponibilité des violeurs calquée sur celle des victimes à chasser et tuer. « On avait appris à mourir en silence car on nous disait que même Dieu avait fermé ses oreilles pour les tutsis », se rappelle encore la vieille dame.

Chaque soir, quelqu’un à la porte égrenait une liste de noms de victimes, sans doute destinées aux chefs. Ensuite les autres se partageaient le reste. Pour en rajouter a l’humiliation, certaines femmes étaient violees à côté et en même temps que leurs filles, se rappellent les survivantes. Certaines d’entre elles ayant été tuées après avoir été violées, notamment une maman qui, un jour, se souvient l’une des victimes, s’était farouchement opposée au viol de sa fille.

« Les yeux de Senuma »

Senuma Albert était un tutsi bien considéré dans son milieu. De par son travail de chauffeur chez des religieuses à la paroisse de Mibirizi, le fruit de ses champs et élevage, il avait atteint un certain niveau d’aisance et de notoriété. Ainsi son statut l’avait place parmi les victimes les plus recherchés au plus fort des massacres.

Vers la fin du mois d’avril, une expédition meurtrière venue de Winteko et sous la conduite de Rukeratabaro se rend à Mibirizi pour prêter main forte au massacre des centaines de tutsis qui s’y étaient réfugiés. Parmi ces derniers, Senuma et quelques tutsis de Winteko.

Au retour de cette expédition, et comme à chaque séance d’humiliation des pensionnaires du « blinde », les miliciens se présentent chez les victimes. « Senuma, nous l’avons tue », se serait exclame Rukeratabaro à l’adresse des femmes et, en particulier, la femme de la victime qui faisait partie des pensionnaires.

« La preuve ! Voici même les yeux de Senuma », aurait-il dit en exhibant, entre autres reliques, ses lunettes, sa chemise et ses chaussures safari. L’effet que cela eut sur la veuve se passe de commentaire.

Soit qu’ils en eurent assez d’elles, vers la fin du mois de Mai, les miliciens durent chasser certaines femmes du « blindé », sans doute pour les mettre à la merci des autres tueurs. Certaines périront au cours de leur sauve-qui-peut.

Et, l’ironie du sort, la plupart des rescapées du « blindé » ont été contaminées du VIH/Sida dont l’une d’elles mourra avant d’accéder aux antirétroviraux. Tandis que « nous, nous nous mourons a petit feu, rongées par ce mal, au moment ou nos bourreaux se prelassent librement sous le soleil ou dans une prison d’Europe comme Rukeratabaro », se lamente une sexagénaire qui a perdu toute sa famille.

Au mois de juin 2018, la justice suédoise a reconnu Théodore Rukeratabaro de génocide et crimes contre l’humanité et l’a condamné à la réclusion à perpétuité. Il a été néanmoins acquitté de viol. Son procès en appel a débuté en septembre dernier et, selon le calendrier prévisionnel, sera clôture en mars prochain.

 

Sangiza abandi iyi nkuru

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