La résurgence des relations franco-rwandaises laissera-t-elle Kanziga et d’autres fugitifs vivant en France en justice ?
Certains rescapés du génocide perpétré contre les Tutsi se demandent si la veuve du président Habyarimana et d’autres suspects en fuite en France pourraient être jugés prochainement.
Sibomana Callixte, un homme de 56 ans est l’un des rescapés du génocide contre les Tutsis. Il habite à Muhanga, à plus de 60 kilomètres de Kigali. Il dit qu’il suivait souvent les informations sur les procès des fugitifs du génocide qui se déroulaient à l’étranger. Il se souvient de certains jugements qui se sont déroulées à l’extérieur. Comme en France, il dit se souvenir du procès de Tito Barahira et Octavien Ngenzi, les deux anciens bourgmestres de Kabarondo, dans la province orientale du Rwanda. Il avoue suivre de près le cas d’Agathe Kanziga.
« Le fait que la France n’ait jugé que ces deux-là, et l’autre dont je ne me souviens pas, cela veut-il dire qu’il n’y a personne d’autre qui soit poursuivie par la justice rwandaise en fuite en France ? », demande-t-il.
Mais il se souvient soudain de quelque chose : “Ils n’ont pas été poursuivis car les relations diplomatiques franco-rwandaises n’étaient pas au beau fixe. On l’a souvent dit”».
Y a-t-il un espoir cette fois-ci après que le président français Emmanuel Macron a annoncé lors de sa visite officielle à Kigali que les personnes impliquées dans le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda en fuite en France devraient être traduits en justice ?
Sur la base d’une récente visite du président français au Rwanda du 27 au 28 mai 2021 et de son discours au Mémorial du génocide de Gisozi à Kigali, Callixte espère que les auteurs présumés du génocide vivant en France seront traduits en justice. “Agathe Kanziga et d’autres fugitifs de justice répondront de leurs actes”, espère-t-il”.
S’exprimant au mémorial du génocide de Gisozi à Kigali, le président Macron a également déclaré qu’ils devraient être traduits en justice. Cependant, lorsqu’on lui a demandé si Kanziga allait également être jugé, il a répondu que la justice serait mieux placée pour répondre à cette question puisqu’il s’agissait de l’affaire individuelle. Cependant, il a déclaré qu’ils étaient déterminés à travailler ensemble en tant que chefs d’Etat pour que les suspects de génocide soient poursuivis et que justice soit rendue aux victimes.
Dans une interview à France 24, le président rwandais Paul Kagame a déclaré qu’en dehors de Kanziga la liste était longue, mais que cette veuve du défunt président Habyarimana est en tête. Quant à ce qui peut être fait pour les traduire en justice, il a dit que c’est à la France de décider.
Le CPCR est confiant
Alain Gauthier, Président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda, CPCR, une organisation basée en France déterminée à traquer les suspects du génocide contre les Tutsis vivant en Europe, a déclaré que Kanziga avait son propre procès en cours contre elle, à la suite de documents qu’ils ont déposés au tribunal en 2007. Il est convaincu qu’un jour elle répondra de ses actes.
« Nous avons déposé une plainte en février 2007. À ce jour, nous sommes toujours convaincus qu’elle fera l’objet de poursuites. Je pense que les juges auraient quelque chose à voir avec son affaire, mais ça traîne », a-t-il déclaré au journal en ligne Thesourcepost.com.
Alain Gauthier a déclaré qu’il s’agissait d’un combat déterminé et qu’ils n’abandonneraient pas tant que tous les suspects n’auraient pas été présentés au juge.
Kanziga qui a maintenant 79 ans, vit en France. Elle est considérée comme l’une des leaders d’opinion dans la période avant et pendant le génocide qui a tué plus d’un million de Tutsis au Rwanda en 1994. Les parties civiles pour les victimes du génocide n’ont jamais cessé de demander son arrestation.
La demande d’expulsion de Kanziga vers le Rwanda a été invalidée par la France en 2011. De plus, même si la France lui a refusé le droit de séjour légal, elle n’a pas été expulsée.
Jean Bosco Siboyintore, chef de l’unité du parquet rwandais chargée de poursuivre les Rwandais à l’étranger soupçonnés de génocide contre les Tutsis dit que jusqu’à ce jour, plus de 650 personnes des 1146 suspectés de génocide en fuite à l’étranger se trouveraient dans deux pays limitrophes du Rwanda, à savoir l’Ouganda et la RDC.
Sur le continent européen, la plupart se trouvent en France qui en compte 47 dont seulement trois ont été jugés. La Belgique en compte 40 mais 9 d’entre eux ont déjà été traduits en justice.