PARIS- Un ancien gendarme rwandais rejugé en France pour crimes de génocide
Philippe Hategekimana, un ancien adjudant-chef de la gendarmerie rwandaise, est à nouveau devant les tribunaux français, accusé d’avoir orchestré des massacres lors du génocide des Tutsi en 1994.
Cet homme, naturalisé français et vivant dans l’Hexagone depuis plus de deux décennies, avait été condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité en juin 2023. Mais en interjetant appel, il relance un procès marqué par des témoignages poignants et un profond examen de conscience sur la responsabilité individuelle dans l’un des crimes les plus sombres du XXᵉ siècle.
Les crimes reprochés : une litanie de violences
Hategekimana, aujourd’hui âgé de 67 ans, aurait joué un rôle central dans les massacres perpétrés dans le sud du Rwanda, dans la région de Nyanza. Selon l’accusation, il aurait ordonné et participé à des attaques systématiques contre les Tutsi, parfois même supervisant les exécutions.
Parmi les épisodes les plus effroyables cités à son procès figure le massacre de Nyamure, où des dizaines de Tutsi cherchant refuge sur une colline furent encerclés et tués. Les témoins affirment que Hategekimana a non seulement ordonné ces violences, mais y aurait pris part activement. A Ntyazo, il est accusé d’avoir organisé l’assassinat du bourgmestre local, Nyagasaza, considéré comme trop modéré pour le régime génocidaire.
Malgré ces accusations, l’ancien gendarme continue de clamer son innocence, qualifiant les témoignages à charge de mensonges motivés par des rivalités locales.
Un procès sous haute tension
La première condamnation de Hategekimana avait marqué une étape importante pour la justice française, qui applique le principe de compétence universelle pour juger les auteurs de crimes contre l’humanité. Mais ce procès en appel, ouvert en novembre 2024, offre une nouvelle occasion de revisiter ces événements, près de 30 ans après les faits.
Les avocats de la défense affirment que le dossier repose sur des témoignages peu fiables, évoquant des contradictions dans les récits des témoins et une absence de preuves matérielles solides. De l’autre côté, les parties civiles et les procureurs rappellent l’ampleur des souffrances vécues par les survivants, soulignant l’importance de tenir Hategekimana pour responsable.
La quête de justice et ses limites
Ce procès s’inscrit dans une série de procédures menées en France contre des présumés responsables du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994. Depuis la fin du génocide, qui a coûté la vie à plus d’un million de personnes, la France a été critiquée pour son rôle controversé pendant les événements. Ces procès sont donc perçus comme un moyen de redorer l’image du pays tout en rendant justice aux victimes.
Cependant, juger des crimes commis à des milliers de kilomètres et plusieurs décennies auparavant pose des défis. Les souvenirs s’effacent, les témoins disparaissent, et les preuves tangibles sont rares. Pourtant, pour les survivants, ce procès reste crucial. « Nous ne cherchons pas la vengeance, mais la vérité », a déclaré un plaignant lors des audiences.
Un verdict attendu avec anxiété
Alors que les audiences en appel se poursuivent, la décision finale de la cour pourrait confirmer ou modifier la peine prononcée en première instance. Dans les couloirs du tribunal, les familles des victimes attendent un dénouement qui, espèrent-elles, reflétera la gravité des atrocités commises.
Pour Philippe Hategekimana, l’enjeu est monumental : il joue sa dernière carte pour échapper à une condamnation définitive pour des crimes qu’il nie avoir commis. Pour la justice française, le procès est une nouvelle opportunité de prouver qu’elle peut être un instrument puissant contre l’impunité des génocidaires, même sur un sol étranger.
Le verdict, attendu dans les prochaines semaines, pourrait résonner bien au-delà des murs du palais de justice parisien, comme un rappel que les crimes de masse, aussi lointains soient-ils, ne peuvent rester impunis.
Par Telesphore KABERUKA