Procès Philippe Hategekimana alias Biguma : Entre démentis et silence face à des témoignages accablants

Depuis le 4 novembre 2024, les assises de Paris sont le théâtre du procès en appel de Philippe Manier Hategekimana, dit Biguma, ancien adjudant de gendarmerie rwandais accusé de génocide et de crimes contre l’humanité lors du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994. Alors que son interrogatoire s’est tenu les 10 et 11 décembre, l’accusé a alterné entre contestation, justification, et recours au silence, tout en rejetant fermement les accusations portées contre lui.

Reconnaissance du génocide, mais rejet de toute responsabilité

Lors de l’audience du mardi 10 décembre, Biguma a reconnu l’existence du génocide contre les Tutsi, tout en insistant sur l’absence de toute responsabilité personnelle. Selon lui, les violences de 1994 découlaient d’incitations politiques, notamment celles de dirigeants tels que le président intérimaire Théodore Sindikubwabo. Il a attribué les tensions ethniques à des dynamiques héritées de l’époque coloniale belge et exacerbées dans les années 1990.

Toutefois, interrogé sur les massacres de Nyanza, il a catégoriquement nié y avoir participé, affirmant avoir quitté la région autour du 17 avril 1994 pour rejoindre Kigali. Cette version est toutefois contestée par des témoignages plaçant l’accusé sur les lieux après cette date.

Des témoignages à charge qualifiés de manipulés

Mercredi 11 décembre, Biguma a contesté le nombre important de témoins à charge, affirmant que certains auraient été « préparés » par des structures affiliées au gouvernement rwandais. « Cette affaire est devenue un business pour certains », a-t-il déclaré, accusant directement des individus comme Ndahimana et Dusingizimana d’avoir manipulé des témoins pour l’incriminer.

Un rôle controversé au sein de la gendarmerie

Hategekimana qui n’a pas nié l’implication de la gendarmerie, atenté de minimiser son rôle en tant qu’officier de gendarmerie, affirmant qu’il n’était impliqué que dans des fonctions logistiques. Il a également prétendu avoir sauvé des vies, citant en exemple des actions attribuées au capitaine Birikunzira. Néanmoins, plusieurs témoins l’accusent d’avoir supervisé des barrières routières utilisées pour identifier et exécuter des Tutsi, ainsi que d’avoir ordonné des massacres.

Concernant les accusations liées au meurtre du bourgmestre Nyagasaza, Biguma a rejeté toute implication, dénonçant des erreurs ou des mensonges dans les récits des témoins.

Le silence et les défis de la défense

Face à certaines questions des parties civiles et de la cour, l’accusé a souvent choisi de se murer dans le silence, invoquant son droit de ne pas répondre. Une attitude perçue comme une stratégie défensive, mais critiquée par les victimes, qui y voient une manière d’éluder des points sensibles du dossier.

Une affaire emblématique pour la justice internationale

Le procès de Philippe Hategekimana, arrêté en France en 2018, représente un défi majeur pour la justice française dans sa quête de vérité sur les atrocités commises durant le génocide contre les Tutsi. Les juges devront évaluer des témoignages accablants, les dénégations de l’accusé, et les enjeux politiques évoqués dans cette affaire.

Alors que les audiences se poursuivent, les associations de défense des droits humains et les rescapés attendent avec impatience un verdict qui pourrait marquer un pas supplémentaire dans la lutte contre l’impunité des crimes de génocide.

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